
Le coup d’État n’a que quelques heures au Myanmar, que déjà des voix s’élèvent en faveur de nouvelles sanctions à l’encontre du régime. Bien que régulièrement interrogées quant à leur efficacité, les sanctions restent en effet largement utilisées comme outils de pression diplomatique, tant de la part d’organisations internationales (ONU et Union européenne en tête, mais aussi Banque mondiale) que d’États, qui s’opposent parfois dans de complexes chassés-croisés de sanctions.
À l’heure actuelle, des sanctions visent ainsi de nombreux pays, à l’image de l’Iran, de la Libye ou du Soudan pour les plus connus, mais aussi des organisations comme la Cour pénale internationale (ciblée par des sanctions US) ainsi que des figures politiques et économiques de premier plan. Des entités et personnes physiques peuvent être directement ciblées, avec de multiples déclinaisons possibles selon les problématiques en cause – au premier rang desquelles le terrorisme, les activités nucléaires présentant un risque de prolifération, les violations des droits de l’Homme, l’annexion d’un territoire étranger, et la déstabilisation délibérée d’un pays souverain. Les sanctions elles-mêmes peuvent ensuite prendre plusieurs formes : sanctions diplomatiques, embargos sur les armes, restrictions à l’admission, sanctions financières ou sanctions économiques.
Ces deux derniers items impactent directement les activités des entreprises à travers le monde, qui doivent adapter leurs pratiques et leurs stratégies de développement. Au-delà des sanctions visant des États, les personnes ou entités visées peuvent voir leurs avoirs gelés (et aucuns fonds ne peuvent être mis à leur disposition), ou être ciblées par des interdictions portant sur les investissements, des interdictions de fourniture de certains services, des interdictions d’importation ou d’exportation de certains biens, etc. La situation est d’autant plus complexe que des politiques de sanctions divergentes existent, exemple entre l’Union européenne et les États-Unis à l’égard de l’Iran et de Cuba. Charge alors aux entreprises de connaître les différentes listes de sanctions en vigueur et de suivre leurs – fréquentes – actualisations.
Le cadre législatif lui-même évolue régulièrement, à l’image du nouveau régime mondial des sanctions en matière des droits de l’Homme adopté par l’Union européenne le 7 décembre 2020, ou du Sanctions and Anti-Money Loundering Act entré en vigueur au Royaume-Uni le 1er janvier dernier. Le 9 janvier 2021, en réaction aux sanctions états-uniennes à l’encontre de la Chine, le ministère chinois du Commerce a pour sa part dévoilé de nouvelles règles interdisant aux entreprises de se conformer aux sanctions jugées « injustifiées » – ce qui pourrait placer les groupes opérant mondialement dans une situation compliquée –, et permettant aux entreprises chinoises qui subissent des pertes en raison du respect de ces sanctions par une autre partie d’intenter des poursuites en dommages et intérêts devant les tribunaux chinois.
Si des services existent pour monitorer ces différentes listes et réglementations, les entreprises exposées ne peuvent faire l’économie d’un solide programme de conformité aux sanctions, incluant une cartographie actualisée des activités et transactions à risque, des due diligences de leurs tiers, des contrôles contractuels et des formations en matière de politiques et de procédures. A contrario, les entreprises qui violeraient des sanctions s’exposent à de très lourdes amendes – pour mémoire, voir les amendes infligées par les États-Unis à la BNP (8,9 milliards de dollars en 2015) et à la Société Générale (1,2 milliard EUR en 2018) –, ainsi qu’à de longues peines d’emprisonnement pour leurs dirigeants, à des interdictions de travailler sur certains marchés ou d’obtenir des financements, et à la mise en place de procédures de surveillance sur plusieurs années.
Ces risques sont d’ailleurs tels aujourd’hui qu’il n’est plus rare de voir des entreprises divulguer de façon volontaire de potentielles violations de sanctions. Au Royaume-Uni, l’Office of Financial Sanctions Implementation (OFSI) a ainsi enregistré un nombre record de 140 divulgations volontaires entre avril 2019 et mars 2020, liées à des transactions d’une valeur totale de 982 millions de livres sterling – soit un bond de 720 millions de livres par rapport à l’année précédente, qui n’avait enregistré « que » 99 divulgations volontaires…